La Féministe et l'Amoureuse

Il y a quelques temps de cela, j’étais dans une n-ième prise de tête sur ma relation hétéro.

Et j’en parlais avec une amie, qui m’a dit :

J’ai l’impression que tu vis un conflit interne, t’arriverais à savoir quelles sont ces deux parties de toi qui sont en désaccord ?

Ça m’a demandé un peu de temps, mais j’ai identifié qu’il y avait en moi deux personnages qui se tiraient la bourre.

L’une, qu’on appellera l’Amoureuse, c’est la partie de moi qui est totalement in love, qui kiffe l’amoureux, qui a une patience inébranlable, et une capacité à aimer inconditionnellement. Genre c’est vraiment une énergie douce et tenace à la fois, c’est celle qui persévère dans le lien, envers et contre tout. Elle peut écrire des milliers de lettres d’amour, dire «je t’aime» toutes les minutes, comprendre sans limites les besoins de l’autre et les accepter. C’est un peu Jésus-Christ version relation Amoureuse tu vois ?

L’autre, qu’on appellera la Féministe, c’est la partie de moi qui sait ce qu’elle vaut et ce qu’elle veut, qui est combative, capable de poser ses limites de façon claire et nette, qui se met en colère. Qui est capable de voir que le mec en face fait des trucs de mec chiants. Elle m’évite d’avoir des relations avec des mecs toxiques, c’est elle qui prend la décision de rompre en général. Bref, elle est forte, badass, méfiante et vénère.

Le jour où mon amie m’a demandé de décrire comment l’Amoureuse vivait la relation, je lui ai répondu :

«Ben tu vois, j’ai l’impression qu’elle est genre là à attendre son mec dans la cuisine, pendant que lui fait sa vie, elle se morfond et patiente bien gentiment».

Ce à quoi ma pote m’a répondu : «Hum, j’ai l’impression que c’est encore la Féministe là qui parle, c’est pas vraiment la voix de l’Amoureuse».

Et là, j’ai réalisé, soudainement, que la voix qui prenait très souvent le dessus dans mes prises de tête internes, bah c’est la Féministe vénère. La Féministe vénère me jugeait d’accepter que le gars ne fasse pas vraiment sa part, elle s’énervait, elle traitait l’Amoureuse de nunuche en gros. Ça a été un gros déclic pour moi de comprendre que j’avais beaucoup de mal à laisser de la place à ma part aimante, Amoureuse, qui voit les choses en rose. J’avais peur de me faire avoir (et à juste titre hein, je suis pas en train de dire que les relations hétéro c’est tranquille), peur de ne pas être à la hauteur de moi-même et de mes idéaux. Bref, je me faisais un peu bouffer la vie par la Féministe.

J’ai compris à ce moment-là que bah ouais, je tombe amoureuse d’hommes cis het’, et qu’ils viennent avec leur package genré. Et que c’était comme si il m’incombait à moi, toute la responsabililté de «ne pas me faire avoir», ne «pas tomber dedans comme les autres», etc...

C’était comme si, je me jugeais de tomber amoureuse, d’être attirée malgré des règles du jeu qui me désavantagent en tant que meuf.

Quand j’ai laissé parler un peu l’Amoureuse, je me suis rendue compte à quel point ça me demandait un effort de ne pas la juger. De ne pas me juger. Et j’ai compris que j’avais besoin de trouver un équilibre entre l’Amoureuse et la Féministe, qu’elles sont toutes les deux super importantes : l’Amoureuse nourrit mon besoin de lien et de romantisme, la Féministe est lucide et me protège.

Aujourd’hui, je suis à un moment où j’ai dit à la Féministe :

Oui, ok, t’as raison, c’est pas tout à fait équitable tout ça. Tes constats sont tout à fait réalistes, et clairement je les garde sous le coude, mais là tout de suite, j’accepte un peu d’inégalité parce qu’on va p’têt pouvoir arranger ça sur le temps long, y a de l’espoir. Et puis à force de se méfier, on en oublie de vraiment s’engager dans la relation.

L’Amoureuse a enfin trouvé sa place, sans la prendre toute (heureusement parce qu’elle m’a joué quelques tours par le passé quand la Féministe était un peu trop jeune pour apporter son regard éclairé).

Et puis, il y a un troisième personnage que j’appellerai la Sage. Elle, elle a du recul sur la situation, elle sait que la vie, ce sont des expériences, que c’est comme ça qu’on apprend, et que parfois, bah oui, c’est pas facile. Elle relativise et apporte de la sérénité à la situation, et j’ai remarqué qu’à certain moments, l’amoureux réveille la Sage en moi par ses mots, sa manière d’accueillir mes émotions avec tranquillité et sans jugement. Et cest moments-là me remplissent de douceur.

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