Relation hétéro et travail relationnel (4)

Ah la la, mon grand enthousiasme d'il y a quelques mois n'est tellement plus d'actualité (voir ce billet).

J'ai cru, amoureuse que j'étais, qu'il était possible de régler ce problème fondamental des relations hétéro qu'est le partage du travail relationnel (qui inclue la charge émotionnelle).

Eh ben le soulagement fut de courte durée.
L'amoureux n'a pas tenu plus de 3 mois l'exercice. Déjà, il se mettait beaucoup trop la pression en pensant qu'il fallait faire des trucs de fou, alors que moi je voulais "juste" qu'on parle de la relation, de nos envies, besoins, difficultés et qu'on puisse avancer ensemble.

J'ai tenté de prendre des vacances, qui avaient comme potentielle conséquence secondaire de le "dépressuriser" en lui disant que je gérais plus rien et qu'il faisait comme il voulait, quand il voulait.
Bon bah j'ai quand même continué à faire du travail relationnel "sauvage", c'est à dire spontané.
Sa réaction à ces moments-là était de dire "oh c'est trop bien quand on discute sans que ce soit prévu". Ce à quoi j'ai répondu, du tac au tac, que oui, c'est génial de pouvoir discuter de la relation spontanément, sans formalisme, que perso j'en rêve, mais que vous les mecs, vous ne savez pas faire et que donc si c'est pas formalisé, bah qui c'est qui se tape le taf, hein ? Bah c'est moi. Donc non on va pas juste espérer que ça se fasse "spontanément", sinon on aurait jamais mis en place ce truc formel.

Puis il s'est passé un mois, y avait des p'tites choses à discuter, franchement c'était pas un truc incroyable. Mais j'ai perdu patience, je lui ai dit que je pouvais plus continuer comme ça. Globalement à chaque fois que j'ai lancé des idées, des sujets de discussion ou autre en une année de relation, il n'a JAMAIS relancé. J'ai à chaque fois dû le faire sinon ce serait juste passé à la trappe pour l'éternité. Comme dans pas mal de relations hétéro. Mais il est hors de question que je baisse mes standards en terme de relations, sous prétexte que je sors avec un mec. C'était le bon vieux temps ça, c'est fini pour moi. Mon modèle, c'est mes relations (platoniques pour l'instant) avec mes amies.

Bref. Notre relation va évoluer, je ne sais pas encore bien vers quoi. Car malgré tout c'est une personne très très chouette, avec qui j'adore discuter, passer du temps, faire des câlins, des balades ou du sexe. J'aimerais le garder dans ma vie, sans que ça me la pourrisse. Et sans travail relationnel, c'est pas simple. Peut-être ai-je besoin d'un entre-deux avant la rupture complète. Peut-être vais-je pouvoir occuper amoureusement ma tête ailleurs et donc réduire totalement mes attentes, et simplement profiter des moments où l'on se verra. Je ne sais pas encore.

Nous avons un week-end de prévu pour en discuter, et décider de la suite.

Par ailleurs j'ai une amie qui vient de rompre avec son amoureux car il était prêt à discuter "uniquement si c'est elle qui le pousse car lui n'y a pas d'intérêt particulier". Iels avaient aussi mis en place des rendez-vous de discussion formels. Genre c'est une passion des meufs de couper les cheveux en 4. Non, c'est un travail invisible dont profitent immensément les mecs, mais comme ils s'en rendent pas compte, et qu'ils se contentent de relations totalement superficielles avec leurs potes mecs, bah ils pensent que c'est une lubie.

Ma conclusion c'est que non, formaliser le travail relationnel ne solutionne pas le problème.
La résistance en face est telle, qu'elle soit nommée comme "un manque d'intérêt" ou "une incapacité", même avec des hommes plutôt très très à gauche et sensibilisés au féminisme, qu'il faut soit renoncer à l'hétérosexualité et sortir avec des femmes (pas si simple là où je me trouve), soit accepter de s'épuiser en faisant le travail pour deux, ou de s'épuiser en éduquant l'autre. Ou renoncer à la relation amoureuse et sexuelle.

Ce constat est triste et pourtant, je n'en sors pas aussi aigrie que je le pensais.
J'en sors soulagée : j'ai vraiment tout essayé pour vivre une relation hétéro égalitaire, et nos éducation genrées nous ont rattrappées. Je sais que je n'ai plus rien à regretter, je suis allée au bout de la logique. Au passage, j'ai vécu la relation amoureuse la plus chouette de mon existence à ce jour, et c'est pas rien.

Si j'ai rencontré un mec aussi sincèrement désireux d'apprendre et de changer ses mécanismes, qui a toujours pris au sérieux les retours que je lui ai faits et qui s'en est servi pour mieux se comprendre, alors c'est qu'il en existe d'autres. Si tu es un de ceux-là, pars en thérapie sans attendre que ta copine te supplie, fais-le sérieusement, apprends à reconnaître tes besoins, tes émotions, à naviguer les conflits, et avec un peu de chance d'ici quelques années tu seras en mesure de faire ta part. Mais s'il te plaît, ne laisse pas ta ou tes amoureuse·s féministe·s s'épuiser à te faire prendre conscience de tes angles morts.

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Commentaires

13 juil. 2023 11:20

Bonjour,

je découvre ton site aujourd'hui car j'ai cliqué sur ton pseudo à partir d'un autre site.
Juste lu cet article et je t'envoie un merci plein de sourires car il m'a fait du bien.
Des choses que je me disais depuis longtemps mais que je suis fatiguée de mettre en oeuvre dans mon couple hétéro en cours depuis 27 ans. Récemment, j'ai pu clarifier auprès de mon cher et tendre que non, ce n'était pas normal de prendre rendez-vous pour lui parler. On pourrait croire que c'était une avancée mais en fait ces "rendez-vous" devaient remplacer les conversations spontanées qu'il trouvait perturbantes pour son organisation voire irrespectueuses. En d'autres termes, je le dérangeais quand il faisait autre chose. Hum, je lui ai fait remarquer qu'il faisait toujours quelque chose et que malgré mes efforts pour respecter son emploi du temps, c'était difficile de cantonner des échanges sérieux à des plages entre deux portes ou entre deux bouchées en présence des enfants. A sa décharge, j'aime plus parler que lui et la surface des choses m'ennuie profondément, cela allonge les échanges. Je résume mais l'idée essentielle est présente. En bon hétéro caricatural, il m'a dit que cela fonctionnait très bien avec ses amis, que les hommes étaient comme ça. J'ai eu confirmation de ce que je savais déjà, à savoir qu'il me considérait comme un de ses amis avec quelques engagements en plus. Autant dire que la voie vers le polyamour qui me correspond est une voie semée d'embûches mais c'est un autre sujet. Bref, merci, je me sens soutenue par ton texte, nuancé et volontaire, avec des renoncements à certaines idées mais sans renoncement à soi. Bonne continuation :)

Miss_Dre
29 juil. 2023 11:02

Hey !
Je suis très contente que cet article de donne le sentiment d'être soutenue, c'est un peu le but de ce blog finalement :) Partager mon vécu pour que d'autres puissent se dire "oh, ok, je suis pas la seule".
Je ne sais pas si c'est "normal" ou "pas normal" de prévoir des temps de discussions. Ce qui me semble "pas normal", c'est que ce soit toujours à l'initiative des mêmes personnes. En général, la personne la plus proche de ses émotions dans la relation, et donc les meufs en cas de relation hétéro (sauf quelques exceptions).
Depuis cet article, mon amoureux a pris l'initiative des discussions deux week-ends de suite. Pour ma part, je ne "branle plus rien" sur ce plan. Je participe bien sûr, et je ne suis pas avare dans ce cas. Mais je ne prends plus d'initiatives, je ne cherche plus à sauver la relation. Si elle doit finir, eh ba elle finira.
Des bises et bon courage dans l'hétérosexualité !

Tendre_Misandre

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