Relation hétéro et travail relationnel (1)

D'un point de vue féministe, de nombreux problèmes émergeant dans la relation hétéro, proviennent d'un déséquilibre des charges assumées entre les hommes et les femmes. Que ce soit les charges quotidiennes pour celleux qui habitent ensemble, la charge mentale, le travail relationnel. Les femmes en font plus, ne sont pas payées pour, elles y perdent leur santé mentale et de l'argent.

 

Dans cette suite de plusieurs billets (au moins 2 haha car je ne sais pas encore), je souhaite partager mes questionnements sur le partage du travail relationnel, ou encore ce qu'on appelle les "méta-discussions", c'est à dire, les discussions sur la relation. Je parlerai de mes difficultés, des tentatives pour y remédier, de mes doutes. Je ne prétends pas apporter de réponses toutes faites à ces problèmes, je ne sais même pas si en l'état actuel des choses il y a vraiment des solutions à ce déséqulibre.

 

Ces derniers mois, ce que j’ai compris et appris de plus révolutionnaire en terme de relation hétéro (et ça peut marcher pour des relations pas hétéro à dire vrai, car bien évidemment toutes les femmes et les hommes ne sont pas fait·e·s dans le même moule), c’est que tout ce qui me semble couler de source dans mes relations avec des femmes (l’amitié donc, car je n’ai pas de relation avec une femme que je puisse qualifier «d’amoureuse»), eh bien avec un homme (cis het’), il vaut grandement mieux pour moi de le conscientiser pour comprendre d’où provient ma frustration, ma colère parfois ou mon insécurité affective.

 

En lisant la brochure «Les hommes pro-féministes et leurs ami·e·s», j’ai eu un déclic sur la source de certaines de mes frustrations en relation hétéro. Pour faire court si tu as la flemme de lire la brochure là tout de suite, il y a deux façons d’être en relation :

- de manière «séparée»
- de manière «en-relation»

Cela signifie que la manière séparée n’est pas une véritable coopération s’il y a un projet commun par exemple : chacun·e fait sa part de son côté et on met en commun ensuite. Dans la manière «en-relation», on échange des infos, des idées, on se met d’accord tout le long du processus qui mène au projet final, on ne peut pas dissocier qui a fait quoi.

 

Tu l’auras sans doute deviné, les hommes ont des relations sur le mode «séparé» la plupart du temps, et les femmes sur le mode «en-relation».

 

Dans mes amitiés avec des femmes, le travail relationnel se fait globalement assez fluidement. Il y a un problème, on en parle, et j’ai très rarement senti que j’en faisais plus ou moins que l’autre sur ce plan. Ça semble s’équilibrer au fil du temps. J’en discutais avec une amie, et on s’est rendu compte que sans s’être concertées, on faisait attention à équilibrer les prises de contact : si je vois que ça fait plusieurs fois que c’est elle qui me relance pour nous voir, je fais l’effort de la relancer en premier la fois d’après. Elle fait la même chose. Y compris pour les trucs plus compliqués. En quelque sorte, nous avons chacune une vision globale de la relation, et nous essayons d’équilibrer le travail de l’une et l’autre pour que cette relation soit égalitaire. Nous n'attendons pas non plus qu'il y ait trop de problèmes avant d'en parler. Bon je ne dis pas que toutes les femmes font ça, mais disons qu'on est quand même vachement éduquées à se demander comment régler les difficultés relationnelles.

 

En relation hétéro, de mon expérience (et de l'expérience de toutes les femmes que je côtoie), l'exercice se complique. C'est, le plus souvent, la femme du couple qui perçoit les difficultés (aussi parce qu'elle en est plus souvent la victime) que rencontre la relation. C'est elle qui va amener les discussions. Pas toujours adroitement peut-être, mais ce qui est sûr c'est que les hommes vont avoir plus souvent le réflexe de la fuite, de penser à autre chose, ou de ne juste absolumeent rien remarquer (consciemment, car je reste persuadée que tout être humain naît avec des antennes relationnelles et sait percevoir l'état émotionnel des autres, mais que l'éducation peut les anesthésier, ou encourager la mauvaise foi). Après tout, ils ont le sentiment de "faire leur part", et ne se pose que rarement la question de quelle est la charge de travail globale, où s'ils identifient un problème, peuvent avoir tendance à chercher à le régler de leur propre chef, sans chercher à co-créer la solution avec leur partenaire.

Je n'ai à ce jour vécu que très peu de relations hétéro (deux si vous voulez tout savoir), où l'amoureux a pris l'initiative, une ou plusieurs fois, de lancer des discussions. Et aucune où le mec s'est rendu compte de lui-même que j'en faisais largement plus en terme de travail relationnel. Aucune où le mec anticipait les problèmes, plutôt que d'attendre que la crise arrive pour essayer d'y remédier. Aucune non plus où le mec lançait des sujets de fond (comme discuter sérieusement du polyamour par exemple, avant de se lancer dans d'autres relations).

 

C'est ce qui m'a le plus fatiguée dans mes relations, et j'ai mis des années à le comprendre.
 

Et découvrir que la base de la manière de relationner ("séparée" ou "en-relation") pouvait avoir quelque chose à voir là-dedans, m'a vraiment permis de comprendre ce qui se passe. Pourquoi la manière "séparée" est défavorable aux femmes. Et pourquoi du coup, formaliser le travail est la première pierre pour réussir à sortir de ce déséquilibre destructeur. Malheureusement, mettre le projecteur là-dessus, reste et restera encore très longtemps majoritairement le rôle des meufs dans la relation hétéro.

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